Pour illustrer le caractère très particulier de la lande, endroit sauvage par excellence, il semble approprier de recourir à un auteur local : Emily Brontë (1818-1848). Qui d'autre pourrait décrire la lande anglaise mieux qu'elle ne l'a fait ? Paradoxalement, elle est la plus connue de sa famille alors que c'est qui écrivit le moins tout juste un roman, les Hauts de Hurlevent, et des poèmes. Elle a toutefois marqué toute la littérature d'outre-manche et sa mort précoce n'a rien ôté de son prestige ni de la force de ses textes, notamment de ce poème
Bruyère Haute, qui bouillone au vent,
Bruyère Haute, où frappe la rafale,
Lune à minuit, et ciel blessé d'étoiles,
Splendeur au sein de l'ombre rayonnant ;
Tandis que de plus près le ciel se courbe
De son côté, la terre s'offre aux airs ;
Le cœur échappe à sa geôle de tourbe,
Rompt le grillage, et dépouille ses fers.
Forêt opaque au giron des montagnes
Ta grande voix vient de s'unir au vent ;
Escaladant la berge et la campagne,
Partout bondit le fleuve jubilant !
Et sa folie élargissant l'étreinte
Laisse à la terre un miroir pour empreinte.
Joue la lumière à ce piège changeant
L'eau vive baisse et revient, puis plus sage,
Repose. Puis, jour et nuit se rangeant,
Vont côte à côte orner tous les visages
De l'eau multiple aux échos s'échangeant
Depuis l'orage aux zéphirs de romance ;
L'ombre y repousse l'ombre, et fulgurant
Un feu y luit, puis s'éteint en silence.
Texte traduit par F. d'Eaubonne,
in Poètes d'aujourd'hui, Paris, 1968
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