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Nous avons tous les deux aimé la scène de rencontre entre Ishmaël et Queequeg à l'auberge. En voici un extrait qui devrait donner à chacun l'envie de lire le roman : " Dieu me garde, pensais-je, ce doit être lui, l'infernal colporteur de têtes. Mais je demeurai immobile, bien résolu à ne souffler mot avant qu'on me parlâte. D'une main une lumière, de l'autre la fameuse tête de Nouvelle-Zélande, l'étranger pénétra dans la chambre sans jeter un regard vers le lit ; il plaça la chandelle par terre, dans un coin, à bonne distance de moi, et se mit aussitôt en devoir de dénouer le grand sac qui, comme j'ai dit, était dans la chambre. Je brûlais d'impatience de voir son visage ; mais, un bon bout de temps, in le tint détourné, occupé avec les nuds de son sac. Enfin, il se retourna. Quelle vision, Seigneur ! C'était quelque chose de sombre ; d'un jaune confinant au violet pourpre, avec, ci et là, de grands carrés noirâtres. Comme je l'avais pensé, c'était un terrible compagnon de lit ! Apparement, parès une bagarre, affreusement balafré, il sortait tout juste des mains du chirurgien. Mais à l'instant où j'imaginais ça, il tourna sa face vers la lumière et je constatai qu'il ne s'agissait nullement d'emplâtre ni de taffetas pour ce qui concernait les tâches en carré de ses joues. Je ne sus plus que penser, mais un soupçon m'effleura. Je me souvins de l'histoire d'un blanc- baleinier lui aussi- qui, échoué chez les sauvages, avait été tatoué par eux. J'en conclus que pareille aventure avait du arriver à ce harponneur au cours de voyages lointains. Et, après tout, songeais-je, ce n'est là que son extérieur. Un homme peut être honnête dans n'importe quelle peau. Toutefois que penser et comment expliquer cette couleur extraordinaire qui cernait les carreaux de tatouage ? |
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Mis à jour le 26 Juin 2001 - Mise en page réalisée par Mylène Pardoen
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