Dans le chapitre Monin :
Lorsque tout le monde fut assis, Dumontel rejoignit Monin :
-tu sais, lui confia(t-il à voix basse, si tu ne prends pas la parole, prsonne ne te la réclamera.
-bon, dit Monin.
Il dit " bon ", mais fut aussitôt gagné par la panique. La réunion prenait une tournure inattendue : donc, cest à lui quincombait la responsabilité dexposer la situation. Il navait pas pensé au déroulement de cette soirée. Il imaginait vaguement que quelquun serait là pour prononcer un discour et prendre les choses en main. Et il sapercevait soudain que cette réunion était la leur, que chacun y avait sa part et que personne ne viendrait de lextérieur pour donner la marche à suivre.
Il ny avait que des ouvriers comme lui.
Dun autre côté Monin reconnaissait quil nétait pas le plus mauvais porte parole du groupe : un des plus ancien de lentreprise, avec une réputation de probité, dintégrité et de sérieux que beaucoup aurait pu lui envier.
Ainsi il ne se déroba pas :
" Il faut que je vous parle " songea Monin .
Et il parla.
Dabord la gorge serré, puis avec une aisance grandissante. Parfois, ilse demandait si cétait là ce quun militant expérimenté aurait pu dire...
Les mots quil prononçait dansait dans lair, se pressait sous sa langue . Etait- ce ainsi quon improvisait un discours ?
Dans le chapitre Anna :
" Monin songea t-elle, pourquoi ne nous sommes nous jamais rien dit ? Pourquoi nai-je pas trouvé la force de rompre moi aussi ce mur qui grandissait entre nous , "
Par respect . Respect du mari. respect de lordre établi. Respect des traditions et dune stricte éducation qui exigeait, face à son supérieur - père, mari ou employeur -,quon se taise et quon obéisse.
Anna reprochait à Monin une passivité dont elle sétait faite la complice.
Elle compris cela mais fut incapable de changer quoi que ce soit à son attitude. Elle ne se plaignit pas. Mais comme son humeur se faisait plus rêche Monin fréquenta moins la maison.
Le lendemain matin elle su ce quelle devait faire. Elle épluchait des légumes au - dessus de lévier, et un simple mot lui vînt aux lèvres :
Travailler.
Cétait une idée absurde, paradoxale, mais dune logique inéluctable :
Travailler.(...)
Sil le fallait, elle apprendrait à conduire.
Elle aurait une autre existence.
Une autre existence...enfin !
Cest le moment que choisit le miroir, au dessus de lévier pour lui renvoyer son image.
Elle sursauta, regarda la petite femme grise et déjà fripée qui la fixait dans les yeux, avec un petit rien de panique tout au fond des prunelles.