Extraits

“ Ce matin, je médite sur une belle question que Mourad m’a posée, quand il était au CM1 ou CM2.
-Amar ? Dis-moi : quand on est mort, c’est pour toute la vie ?
J’ai répondu sans réfléchir :
-Bien sûr !
Maintenant, je sais que c’est une jolie question sans réponse. Il faut la laisser comme elle est, avec son point d’interrogation au bout. Quand on est mort, c’est bien pour toute une vie. Mourad est mort pour toute ma vie, celle de mes parents, celle de mes soeurs. Pour plein de vies.”

“A l’entrée du restaurant-bar, les lunettes de notre chauffeur croisent celles de l’autre chauffeur - blasphémateur, traverseur de désert à cent trente à l’heure. Les deux montures échangent des rayons méprisants, mais les bouches restent closes. A quoi bon? Le pays est déjà tombé assez bas. Ce que les gens demandent au temps, c’est seulement de les emmener jusqu’au lendemain, guère plus. Un jour, une nuit, un jour, une nuit : le rythme de la vie se réduit à deux temps.
On est loin de cette époque où le gouvernement servait au peuple le menu du énième plan décennal de développement, avec révolution agraire en entrée, révolution culturelle en sauce rouge au plat de résistance, et révolution sucrée avec chantilly (suppl. 15 D) au dessert. Et pour les récalcitrants : le désert !
Elle est déjà si loin l’époque où une vie se voyait sur plusieurs années.”

Mis à jour le 07/07/03 - Mise en page Maud MERIEUX